Se poser la question du vrai et du faux pour un musée est d’emblée courageux. Car rien de plus désagréable pour un conservateur de musée que d’abriter dans ses vitrines des falsifications, autres que des copies qu’il sait être des fac-similés. Parfois pourtant, ce que l’on croyait authentique se révèle faux, et face à une tromperie, rien à faire, sinon admettre l’erreur. Entièrement conçue par l’équipe du Parc et Musée cantonal d’archéologie de Neuchâtel, ou Laténium, l’exposition qui s’ouvre aujourd’hui, intitulée «L’âge du faux», invite ses visiteurs à distinguer les objets authentiques des contrefaçons. Comme l’annonce la plaquette d’information de l’exposition, «certains de ces objets sont de « vrais » faux ; d’autres ne sont qu’à moitié faux, et nombre d’entre eux sont de vraies trouvailles archéologiques dont l’étrangeté défie la compréhension des spécialistes. Or, pour faire la part des choses, le visiteur doit tenter l’expérience du faux !». Cette exposition m’a ainsi rappelé la visite d’une autre exposition sur le même thème présentée en 1990 au British Museum intitulée : « Fake ? The Art of Deception ». On y voyait des falsifications autrement plus célèbres que celles présentées au Laténium, comme les véritables ossements de l’homme de Piltdown (une copie partielle est présentée au Laténium), ou l’un des fameux crânes de cristal. Pourtant le Laténium a manqué de frapper un grand coup à l’occasion de cette exposition. Il aurait été intéressant de rechercher de tels vrais faux au sein de ses propres collections. Ces dernières abritent peut-être un objet qui aurait pu passer de l’exposition permanente à l’exposition temporaire.
Extrait de l’affiche de l’exposition
En effet, la collection permanente du Laténium présente dans l’une de ses dernières vitrines, ce qui est connu comme le plus vieux vestige humain de Suisse, à savoir: un maxillaire supérieur appartenant à un Néandertalien. Exhumé en 1964 au fond de la grotte de Cotencher, sur la commune de Rochefort dans le canton de Neuchâtel, ce maxillaire a été attribué à une femme âgée d’une quarantaine d’année. Celle que l’on appelle la «Dame de Cotencher» est depuis sa découverte l’une des célébrités du musée, avec Julia, une princesse impériale romaine, dont le buste original est présenté dans l’exposition en regard de son fac-similé en résine, si fidèle à l’original, qu’il est difficile de distinguer le vrai du faux. S’il m’est personnellement impossible de juger en quoi cette mandibule est vraiment néandertalienne (d’autres spécialistes s’en sont chargés), le lieu de mise au jour prête sujet à caution, comme en témoigne le récit de la découverte. Le découvreur n’était pas un archéologue professionnel, mais un collectionneur d’objets archéologiques préhistoriques. C’est au cours d’une visite guidée de la grotte qu’il effectuait lui-même, qu’il a découvert devant témoins cette mandibule dans la coupe stratigraphique exposée. Est-ce juste un petit tour de passe-passe qu’on appelle dans le métier un salage de couche, et dont ce blog s’est déjà fait l’écho? Toujours est-il que cette trouvaille lui a valut une certaine reconnaissance. Ces faits sont connus de nombreux archéologues, notamment à Neuchâtel, d’autant plus que sa collection (acquise par le musée d’archéologie après son décès) mériterait aussi une étude critique. L’équipe du Laténium aurait pu saisir cette occasion pour pratiquer quelques analyses physico-chimiques permettant de déterminer si la mâchoire avait bien passé 40′000 ans dans cette couche archéologique. Le Musée saurait de manière définitive s’il possède là un objet authentique ou une falsification. Un musée ne doit pas avoir peur de pratiquer de tels examens. Ces fraudes font partie de l’histoire de l’archéologie ou de l’art et témoignent d’une époque où ces disciplines étaient confondues avec une chasse au trésor. Le Laténium a jusqu’au 8 janvier 2012 pour prêcher la vérité, sans faux-fuyants. Le musée doit tenter l’expérience du vrai !
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